Premier récipiendaire du Prix Fondation Ousseimi de la Tolérance
Le 23 avril 2004 à Houghton (Afrique du Sud), Monsieur Nelson Mandela a reçu le Prix Fondation Ousseimi de la Tolérance pour les motifs cités ci-après :
« Nelson Mandela est l’homme de la Tolérance, tant par son attitude personnelle que par son œuvre et sa philosophie. Penseur de l’Afrique du Sud moderne, démocratique et pluriethnique, il a su aller au-delà de la haine et de la violence et ne pas répondre au racisme par le racisme – y compris du fond de la prison où il a passé 27 ans – pour dépasser l’injustice de sa propre situation et tendre la main à ceux qui opprimaient, lui et la grande majorité de la population sud-africaine, sans jamais accepter de compromis qui ne soit basé sur la reconnaissance de droits égaux pour tous, de jure et dans les faits, quelle que soit leur couleur de peau, leur ethnie ou leur religion.
Idéaliste et réaliste en même temps, Nelson Mandela a très tôt la conviction, à l’heure où l’Afrique se bat pour chasser le pouvoir blanc, dans les années 1940-1950, que les communautés sont interdépendantes et que la solution pour un avenir constructif passe par l’intégration de tous les Sud-Africains, y compris les Afrikaners, à un projet national commun, où tous auraient leur place et la possibilité de participer au pouvoir. Dès son origine, la force du projet de Nelson Mandela, qui s’enrichira de quarante ans d’observation et de réflexion, est de ne pas penser en termes de noirs contre blancs ou d’ethnies, mais d’égalité et de futur commun ; cette conception pluriethnique et démocratique est d’autant plus remarquable que Nelson Mandela appartient à une ethnie majoritaire, les Xhosas, et descend lui-même d’une chefferie tribale.
La force de Nelson Mandela réside dans sa fidélité à sa ligne de conduite, même dans les pires moments, où il ne se départit ni de sa foi en l’homme, ni de son engagement en faveur de la justice et de l’égalité. Son attitude en prison est caractéristique de son ouverture d’esprit : au lieu de cultiver l’esprit de revanche, il met à profit ses années d’internement pour étendre ses connaissances et affiner sa vision de la future nation « arc-en-ciel » sud-africaine, notamment en étudiant en prison la langue et la culture afrikaner, pour mieux démonter et comprendre les mécanismes ayant abouti à l’Apartheid.
La fidélité à ses idées, sa dignité, l’universalité des valeurs qu’il défend, couplées à la longévité de son combat et à son charisme propre font de Nelson Mandela une autorité morale reconnue aussi bien sur la scène internationale que par ses adversaires. Le gouvernement blanc ne s’y trompe pas et cherche, dès la fin des années 1970, à négocier avec lui sa liberté et son acceptation de la politique des banthoustans, qui incarne tout ce contre quoi Nelson Mandela se bat, puisqu’elle vise à créer des ghettos noirs sous semi-autonomie.
Celui-ci refuse même d’entrer en matière, au prix de sa liberté et quitte à y laisser sa vie, mais avec la conscience qu’en rejetant tout compromis avec le régime, de plus en plus critiqué au niveau international, il contribue à saper un peu plus la « légitimité » du pouvoir officiel blanc ; cette attitude se révèle payante, dans la mesure où, finalement, à la fin des années 1980, le gouvernement sud-africain fait le premier pas vers le dialogue en reconnaissant implicitement l’impasse dans laquelle se trouve le système ; cela aboutit à la libération de Nelson Mandela en 1990, premier acte de la refondation nationale.
Au-delà de la vision humaniste qui l’anime, le projet politique et national de Nelson Mandela se nourrit également de la conscience qu’a ce dernier des rivalités opposant les communautés ethniques noires et du danger que cela peut représenter pour la paix civile une fois l’ennemi commun – le système d’Apartheid – disparu. Le rôle de Nelson Mandela comme autorité morale est à ce titre fondamental dans l’intervalle de temps qui sépare sa sortie de prison, en 1990, de la mise en place d’un nouveau régime démocratique et pluriel, en 1994 : il arrive ainsi à contenir la jeunesse noire, prête à renverser le pouvoir blanc par la force, à éviter la généralisation des nombreux actes de violence intertribale et à obtenir, sinon le plein soutien, du moins l’acceptation minimale de son projet d’unité nationale par les chefs des principales ethnies. La constitution de 1996, qui pose les bases d’un Etat fondé sur l’égalité, la tolérance, le respect des Droits de l’Homme, la protection des minorités et la participation de tous au pouvoir est directement inspirée de la pensée de Nelson Mandela, qui réussit la gageure d’accomplir dans la pratique son idéal et de fédérer les Sud-Africains, malgré leurs différences et leurs contentieux.
En tant que premier président d’Afrique du Sud élu au suffrage universel, entre 1994 et 1999, Nelson Mandela relève de plus le défi de consolider ce fragile équilibre en générant un sentiment d’appartenance à un projet commun. Ce processus est facilité par l’idée proprement géniale et unique de la « Commission Vérité et Réconciliation » dont il confie la responsabilité à Monseigneur Desmond Tutu et qui facilite l’accord du pardon à ceux des tortionnaires du régime de l’apartheid qui reconnaissent et regrettent leurs crimes. Tout cela permet à Nelson Mandela de quitter le pouvoir à l’issue de son mandat sans que son projet, privé de son fondateur, ne s’effondre, et de passer ce pouvoir à son successeur dans le cadre d’un processus également démocratique.
A la fois visionnaire et homme d’action, Nelson Mandela réussit l’exploit de voir triompher dans les faits sa conception du politique et d’imposer, envers et contre tous et sur un mode pacifique, un régime fondé sur les valeurs d’égalité et de Tolérance. »
Discours de présentation par Madame Maria Ousseimi du Prix Fondation Ousseimi pour la Tolérance à M. Nelson Mandela le 23 avril 2004 à Houghton – Afrique du Sud
Cher Monsieur Mandela………ou, si j’ose : ” Cher Madiba” comme je vois que vos amis vous appellent.
Avant de vous remettre ce Prix pour la Tolérance, sous forme d’un chèque pour votre Fondation et de cette statue, j’espère que vous me permettrez de dire quelques mots sur la Fondation Ousseimi et son Fondateur, mon père Khaled Ousseimi.
La Fondation Ousseimi a été établie il y a 12 ans par mon père. Il a décidé alors de doter la Fondation d’une partie substantielle de sa fortune personnelle, avec pour objectif principal de promouvoir l’éducation supérieure en aidant ceux qui, sans cette aide, ne pourraient y accéder. Avec le temps, la Fondation a élargi son champ d’action et s’est mise à financer divers projets culturels ou de développement, de même que des actions de secours en cas de crises, avec un accent particulier sur les femmes et les enfants.
Récemment, mon père et le Conseil de Fondation ont décidé de créer un Prix qui serait attribué à des individus qui se seraient efforcés de promouvoir la tolérance par leurs œuvres et dans leur vie. Quand il a soumis cette idée au Conseil, dont le Dr Moreillon et moi-même sommes membres, le choix de votre nom comme premier récipiendaire du prix Ousseimi pour la Tolérance a été spontané et unanime.
Monsieur Mandela, vous avez, à travers le combat et l’effort de toute votre vie, témoigné d’un tel esprit de pardon, d’acceptation et de Tolérance que les leçons que vous avez enseignées ont fait le tour du monde. Vous incarnez ces qualités universelles qui transcendent les frontières, les races, les couleurs et les religions. Vous avez donné au monde un exemple qui est unique et une inspiration à tous ceux qui veulent croire en des jours meilleurs.
Cher Monsieur Mandela, c’est un honneur pour moi de vous présenter, de la part de mon père et des membres du Conseil, le premier Prix Ousseimi pour la Tolérance.
REMISE DU PRIX PAR MME MARIA OUSSEIMI À MR NELSON MANDELA
Le 23 avril 2004 à Houghton – Afrique du Sud
Ce prix , accompagné d’un don en faveur de la « nelson mandela foundation », a été remis par Mme Maria Ousseimi en présence de Mr.Jacques Moreillon, tous deux membres de la fondation Ousseimi.